Président du Parlement européen, Martin Schulz dit son inquiétude pour l'avenir et l'intégrité de l'Europe. Ainsi que sa colère contre les populistes et tous ceux qui prennent Bruxelles comme bouc émissaire. Rencontre à Bruxelles.
Sil en est un qui devrait encore propager un message galvanisant sur l’Europe, c’est bien lui! Martin Schulz, président du Parlement européen. Pourtant le social-démocrate ne porte pas de lunettes roses. Loin s’en faut! "Nous sommes dans une situation dramatique, qui n’a pas été aussi dramatique depuis très longtemps. La réalité est que nous risquons un effondrement de l’Union européenne", a-t-il lancé, avec beaucoup de gravité. Mercredi 19 octobre, l’Allemand a pris la parole au Parlement à Bruxelles, devant un groupe de journalistes venus de l’Europe entière.
Son diagnostic est sombre. Il est très remonté contre le Brexit, qui, prévient-il, va "affaiblir l’Union". Car il s’agit du départ, dit-il, d’"un des membres du G7, d’un des membres du Conseil de sécurité, d’une puissance nucléaire". Il s’agit également du départ, assène-t-il à deux reprises, "de la deuxième force économique d’Europe". Il ne laisse aucune illusion à ceux qui auraient pu croire que la France était sur la deuxième marche du podium...
Mais, avertit Martin Schulz, "si le Royaume-Uni est la 2e économie d’Europe, c’est parce qu’il a accès illimité au marché unique. Son départ l’affaiblira lui aussi". Entendez tout le monde va y perdre…
Combatif
Il a du mal à cacher sa colère contre les "populistes enragés" et les gouvernements pour qui "lorsqu’il pleut c’est de la faute de Bruxelles, et lorsqu’il fait beau c’est grâce à eux". Se référant aux critiques des extrêmes et notamment du Hongrois Orban, il s’exclame: "l’Union européenne est menacée de l’extérieur et de l’intérieur. Nous sommes dans une vraie bataille pour conserver son intégrité".
Amaigri mais combatif, le barbu s’anime pendant son discours. On le sent à l’aise dans ce registre dramatique, où il sait mêler sincérité et effets de manche depuis longtemps éprouvés. "Je ne me berce d’aucune illusion. Au contraire, regarder la réalité en face est la première étape vers une solution, une amélioration".
Jonglant, comme à son habitude, entre l’allemand –sa langue maternelle-, l’anglais et le français, qu’il maîtrise à la perfection, il pointe: "Le système européen n’est pas parfait, bien sûr. Pas suffisamment démocratique, pas suffisamment transparent, pas assez juste. Mais le détruire serait à mes yeux une erreur historique majeure".
Convaincu, comme le philosophe irlandais Edmund Burke, que "la seule chose qui permet au mal de triompher, c’est l’inaction des hommes de bien", il appelle au sursaut. A un retour de la confiance, à ne plus laisser une partie des Européens au bord de la route, à mobiliser la jeunesse. "Au Royaume-Uni elle a dit oui à 75% à l’Europe, mais 40% seulement des jeunes se sont déplacés pour voter."
Espoir
Comme souvent dans ses interventions, Martin Schulz revient aux origines de l’Europe, à la construction de ce grand ensemble longtemps soudé par "la volonté d’équilibrer des situations hétérogènes, des intérêts divergents dans le respect de règles communes." Il rend hommage aux fondateurs de l’Europe qui "5 ans à peine après la découverte des camps d’Auschwitz ont invité l’Allemagne à rejoindre la grande famille démocrate européenne".
Il rappelle, comme il le fait régulièrement, qu’il est de la "génération des Allemands de l’ouest nés juste après la guerre. Mes parents ont souffert d’une grave crise politique et économique, qui s’était terminée par la dictature nazie. Leur existence a été très différente de la mienne. Ma vie à moi a été marqué par le toujours plus. Plus de chance, plus de formation, plus de sécurité, plus de paix, plus d’argent, plus de liberté." Puis, un rien mélodramatique, il ajoute "je suis né dans la paix, j’espère mourir dans la paix".
Au cours de la séquence de questions-réponses avec les journalistes, il redit toute son inquiétude. Mais aussi tout son espoir de reconstruire une Europe plus forte, "sur de nouvelles bases", une fois le Royaume-Uni sorti… Pendant toute son intervention, il a parlé sans note, avec flamme. Avec toujours en filigrane cette ambition dévorante et ce message subliminal, distillé depuis quelques mois: c’est moi ou le chaos.
Or, selon un accord passé avec le groupe conservateur du Parlement, il y a deux ans et demi, le social-démocrate est supposé lâcher le perchoir en fin d’année, pour le laisser à l’autre camp. Mais plaide-t-il dans les capitales européennes qu’il écume, il ne peut pas laisser tomber l’Europe au cœur de la tempête… A moins qu’il ne retourne chez lui, en Allemagne, pour se lancer dans la course à la chancellerie. L’hebdomadaire Spiegel a annoncé début octobre qu’il pourrait se présenter contre Angela Merkel… Interrogé parChallenges, il botte en touche, l’œil rieur. "Mon avenir, c’est la prochaine réunion où je suis déjà en retard."
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